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Pascal Gauthier, le patron qui adore sortir de sa cuisine

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restaurant,jorat,joratSon discours se ponctue de grands rires sonores, ses yeux pétillent de malice, ses assiettes s’ensoleillent de couleurs et de saveurs: aucun doute, Pascal Gauthier, patron du Restaurant du Jorat, à Mézières, est un homme heureux.

Surtout depuis qu’il sort de sa cuisine pour accueillir ses clients, s’enquérir de leurs envies avant d’aller les préparer: «Ça a tout changé chez moi. Voir en face ceux à qui on va faire à manger, entrer dans leur bulle dès leur arrivée, participer d’emblée à leur expérience, c’est autre chose que de faire un tour de salle en fin de service.» Quelques grincheux lui reprochent peut-être de ne pas être aux fourneaux en début de repas: «J’ai dû mettre au point toute une organisation en cuisine. Dès que je reviens, je sais exactement où chacun en est.»

Pour ce fils de bouchère de la vallée de Chevreuse, non loin de Paris, la vocation est arrivée très tôt, dès 9 ans. «A l’école, j’ai toujours été plus copain avec le radiateur qu’avec le professeur.» Et il éclate de rire, bien sûr. Il se fait gourmand quand il raconte les tartes aux pommes de son arrière-grand-mère bretonne, qui passait un peu de beurre salé sur les fruits encore chauds pour les faire briller. On sent qu’il aime manger: «C’est bien pour ça que je fais ce métier, contrairement à certains de mes collègues.»

Cette passion du métier qui l’anime toujours, il l’a apprise dès le début, à la Gentilhommière, au Tremblay (F), où son premier patron travaillait tous ses produits maison. Pour terminer aussi jeune (17 ans et demi), le jeune apprenti avait reçu une dérogation préfectorale. C’est ensuite Valencienne, dans le Nord, la découverte d’une rôtissoire géante et les premiers pas en pâtisserie. «Surtout la découverte d’une discipline militaire. Mais aussi des récompenses quand le sommelier te donnait la fin d’une grande bouteille parce que tu avais bien travaillé.» A la cuisine bourgeoise qu’il pratique alors – réductions crémées, feuilletages au beurre – succède le choc, son arrivée chez Carlo Crisci, à Cossonay. «Je dis toujours qu’il a agi avec moi comme un affineur avec son fromage, il m’a affiné.» Et le colosse passé par le statut de saisonnier de rire encore.

Rien n’arrive par hasard, affirme le chef, qui s’avoue presque bouddhiste. «C’est vrai que ces philosophies asiatiques me plaisent assez…» Il n’en dira pas beaucoup plus, avec cette pudeur qu’il camoufle derrière son humour. Cette timidité le faisait sans doute rester en cuisine quand il a repris le Jorat avec celle qui était encore sa femme. «C’est ce qu’on attend d’un restaurant. Monsieur en cuisine, Madame à l’accueil, et les clients sont bien gardés…» Mais le couple finit par se séparer. Ce mois de novembre 2009 où le divorce est prononcé, le propriétaire des murs du restaurant annonce sa mise en vente. «C’est là qu’il y a eu ce que j’appelle le Téléthon du Jorat», se rappelle Pascal Gauthier avec émotion. Alors qu’il n’a pas un sou pour racheter son enseigne, vingt-six clients débarquent les uns après les autres pour lui proposer un prêt, du plus petit au plus important. Deux autres amènent des banquiers. Le chef n’en garde finalement qu’un seul et se porte acquéreur.

Le cuisinier, donc, après dix ans dans l’ombre de ses fourneaux, arrive dans la lumière des salles rénovées en 2010. «Ça m’a donné une ouverture d’esprit, ça m’aide à me rappeler pour qui je travaille. Mon client n’a plus à manger une carotte ou un poisson comme je les pense mais comme il les apprécie. J’ai tout changé parce que les couleurs des produits sous les spots de la cuisine ne sont par celles qu’ils ont dans l’ambiance feutrée du restaurant, parce que ma sauce, superbe au passe-plat, avait peut-être un peu figé en arrivant sur la table. Là, je vois tout!»

Pendant ses congés, le chef-philosophe aime s’occuper de sa fille, Sara. Sinon, il adore s’asseoir sur une terrasse ou dans un bistrot pour observer le monde, les gens. Faire un tour dans les caves aussi: «J’ai décidé d’évacuer tous les vins étrangers de ma carte et d’aller sélectionner directement chez les producteurs de la région. Ça prend un temps fou mais ce sont de si beaux moments. J’y ai noué de belles amitiés.»

Depuis cette renaissance, tout lui sourit. Les guides l’adorent (16/20 au GaultMillau). Annick Jeanmairet l’invite à la TV*. Swissoja lui demande d’élaborer des recettes: «C’était un superchallenge. J’ai appris plein de choses et je mets du soja à la carte, maintenant.» Ecouter, essayer, comme quand il s’était mis en tête de préparer tout un menu autour des différents thés, apprendre, mais plus dans les livres. Aujourd’hui, c’est l’instinct qui le pousse, et c’est tant mieux!

* RTS Un, samedi 12 avril 2014 (18 h 45): il passe dans Pique-Assiette invite les chefs.

Carte d’identité

Né le 18 janvier 1968 à Saint-Cyr-l’Ecole (F).

Cinq dates importantes

1985 Termine son apprentissage à 17 ans et demi, sur dérogation préfectorale.

1991 Arrive au Suisse, au Restaurant du Cerf, à Cossonay, où il restera six ans.

1997 Reprend le Restaurant du Jorat, à Mézières.

2009 Naissance de sa fille, Sara, «la plus belle chose qui me soit arrivée dans ma vie privée».

2010 Rachète les murs de son restaurant de Mézières.

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