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Rompu aux saisons de la vigne, Christophe Chauvet vend le vin comme un voyage

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Le nouveau CEO de Schenk a une vision internationale pour vendre les vins du groupe familial mais revient toujours à ses racines.
(article paru dans 24 heures le 3 octobre, photo Patrick Martin)
 

La cour du château de Vinzel respire les vendanges d’un beau millésime. Dans la nouvelle boutique en forme de bibliothèque, le patron du groupe Schenk reçoit chaleureusement. Normal, il a des origines vigneronnes, mais ses racines plongent en Loire, du côté de Saumur, où ses deux parents venaient de familles de producteurs.

Loin de la dizaine d’hectares familiaux, le voilà CEO du groupe rollois, dont la galaxie va loin au-delà de la Suisse, avec des domaines en France, Espagne et Italie, des sociétés de distribution dont la dernière a ouvert aux États-Unis, avec la production de 3500 hectares de vignes, dont 600 en propriété.

La famille propriétaire l’a choisi pour remettre davantage de cohérence dans le groupe qui a grandi au gré de diverses opportunités, en Suisse et en Europe. «J’ai été séduit par l’entreprise qui est en mains familiales plutôt que dans celles d’investisseurs. Il y a beaucoup de bienveillance à l’interne. Fini les paillettes qui font rêver, retour à l’authenticité», explique celui qui a passé près de vingt ans chez Moët Hennessy, principalement à mettre en valeur les prestigieux domaines viticoles hors Champagne.

«Je connais bien les saisons de la vigne, j’allais tirer les bois quand j’étais jeune»

Le spécialiste du commerce aime vivre dans ce domaine viticole. «Je connais bien les saisons de la vigne, j’allais tirer les bois quand j’étais jeune, je donnais des coups de main au domaine.» Dans son village isolé de 200 habitants, l’adolescent d’alors avait envie d’ailleurs, de ne pas faire 20 kilomètres pour aller à la piscine.

Son premier déclic, un semestre d’études aux États-Unis quand il avait 15 ans, financé… par la vente de vins de Saumur. «J’avais envie de quelque chose de plus grand, de sortir de cette campagne. Même si nous avions une maison très festive où il y avait toujours du monde.»

Le quinquagénaire baroudeur avoue que l’âge le pousse à retrouver ses racines, malgré le plaisir énorme qu’il a eu à travailler en Asie. C’est à la faveur d’un premier stage après ses études commerciales qu’il se retrouve au Vietnam communiste, à 24 ans.

«Deux mois après notre arrivée, le pays a renoué avec les États-Unis et tous les grands groupes américains ont débarqué en force.» Le jeune stagiaire se retrouve bien vite responsable des ventes, avec toute une armée de Vietnamiens à mobylette qui livraient la bière.

Carte blanche au jeune

«Il y avait tout à faire, tout à inventer, je me sentais vraiment entrepreneur avec la liberté que me laissaient mes patrons.» Il apprend la langue, mange sur le trottoir avec les locaux. La débrouille succède aux leçons commerciales apprises à Saint-Nazaire, en Irlande, puis en Aquitaine. C’est lui qui part à Atlanta signer le contrat de distribution de Coca-Cola dans le pays. Le britannique Diageo l’engage alors pour lancer J&B, Smirnoff ou Baileys dans l’ancienne Indochine, avant de passer chez Pernod Ricard. Puis chez Moët Hennessy.

«C’est en développant les spiritueux que j’ai appris à miser sur les marques.» C’est d’ailleurs pour cela que le groupe suisse est venu le chercher, pour son art de créer de la valeur sur des noms qui doivent devenir connus.

En Suisse, il a découvert le chasselas, qu’il ne connaissait pas. «J’y suis venu par les vieux millésimes, extraordinaires. Ce sont des choses que nous devons mieux mettre en avant, mieux vendre.» Si la maison a réduit ses achats de certains raisins à des vignerons, c’est aussi parce qu’elle veut se concentrer sur ses meilleurs produits dans un marché devenu compliqué.

Rester concentré

«Nous devons réfléchir à nos encépagements, à l’adéquation entre le cépage, la marque et le prix. Nous devons nous concentrer, également à l’interne, ne plus nous disperser.» Il dit être hyperactif, tout le temps en train de cogiter. «Je dors peu mais je dors bien.»

Et il n’est pas impatient, promet-il. Peut-être un héritage de ses années asiatiques. Frédérique, son épouse rencontrée pendant leurs études commerciales, s’est également montrée patiente, se trouvant un job dans chaque pays visité. Peut-être le fera-t-elle aussi ici, maintenant qu’elle déménage en Suisse et que les trois enfants ont quitté le nid pour leurs études.

«On doit bien construire le discours, bien raconter l’histoire.»

Son mari, lui, multiplie les projets, ambitionne de vendre à l’international six marques Schenk sélectionnées, du château de Chatagneréaz à l’Aigle Les Murailles sur Vaud, de la Réserve des administrateurs de la Cave Saint-Pierre aux trésors du Mont-d’Or en Valais.

«On vend un voyage, pas un vin», affirme ce convaincu de la vente au domaine qui établit une relation profonde entre le producteur et le client. «On doit bien construire le discours, bien raconter l’histoire.» Il a monté un programme Jeunes talents, particulièrement dans l’œnotourisme.

Une stratégie qui secoue

Il a lancé des séminaires d’excellence dans tous les secteurs de l’entreprise, organisé des séminaires pour que les 626 collaborateurs du groupe échangent leurs expériences. Choisi 25 marques stratégiques dans le vaste catalogue du groupe. Accompagné le passage au bio dans les domaines suisses et étrangers. Bien sûr, tout cela fait un peu frémir le monde viticole suisse romand, peu habitué à ce genre de langage et de révolution.

Dans son agenda chargé, peu de place pour les loisirs, juste un peu de musique, pas assez de lecture. Heureusement, il arrive parfois à dégager du temps pour aller dans sa maison de l’Île-aux-Moines, dans le golfe du Morbihan. Il y médite, y fait des balades et va à la pêche. Il le dit en sortant son téléphone portable pour faire admirer la daurade pêchée récemment, une belle pièce. «On me voit comme un citadin en costume. Mais je suis un campagnard qui a beaucoup vécu en ville. Avec l’âge, je reviens à la campagne.»


Bio

1970 Naissance le 2 août à La Tourette sur un domaine d’une dizaine d’hectares.

1985 Semestre d’étude à New York et en Géorgie (USA).

1994 Master en management à la Kedge Business School de Talence. Rencontre Frédérique. Part en stage au Vietnam pour la Brasserie Castel. Devient responsable marketing et vente.

1996 Diageo au Vietnam, puis directeur de Pernod Ricard Vietnam.

1999 Directeur Vietnam Moët Hennessy. Naissance de Paul, suivi de Rémi en 2001 et de Julie en 2004.

2001 Singapour pour les domaines de Moët Hennessy.

2003 Shanghai pour Veuve Clicquot.

2007 Retour en France pour les domaines de Moët Hennessy dont il finit directeur des ventes.

2018 CEO de Tenute del Mondo.

2020 Responsable des marques de Schenk.

2022 CEO du groupe Schenk.

Lien permanent Catégories : Portrait, Vins 0 commentaire

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