Le policier cher à Donna Leon n’arrête pas de manger, comme tout bon habitant de la Sérénissime. Pas étonnant qu'en sorte un bouquin de recettes
«Mangia, mangia, ti fa bene.»Il y a quarante ans, lorsque Donna Leon est arrivée à Venise, c’était la phrase qu’on lui a le plus serinée. Mange, mange, ça te fera du bien. Pour la romancière américaine, l’expérience de la nourriture de la Cité des Doges a été un vrai bonheur. Parce que tous les Vénitiens «ont été élevés dans cette culture de la nourriture et ils considèrent ces longs repas sensuels comme une manière normale de traiter les aliments».
Le héros des romans policiers de Donna Leon, le commissaire Brunetti, est comme eux, dégustant des repas qui donnent envie aux lecteurs, que ce soit avec Paola, son épouse, ou dans des osterie à la cuisine traditionnelle. C’est en mangeant que lui viennent ses meilleures idées, c’est à table qu’il chasse la déprime qui le saisit parfois.
Bien manger pour soi
A Venise, bien manger n’est pas exceptionnel, cela fait simplement partie de la vie, naturellement, affirme Donna Leon qui y vit depuis trois décennies. «Il ne s’agit de rien de plus que la reconnaissance d’une vérité élémentaire: manger est bon pour soi, et bien manger vaut mieux pour soi que mal manger.» Cette «manifestation d’amour» n’est guère répréhensible.
Cette omniprésence de la table dans les romans de Donna Leon valait bien un livre. La romancière s’y est attelée avec l’aide de son amie Roberta Pianaro, qui signe les recettes, tandis que l’Américaine parsème l’ouvrage d’extraits de ses romans et de courts reportages dans la ville. Elle y exprime ainsi sa passion, mais aussi ses regrets, comme tout bon Vénitien qui se respecte.
La ville, d’abord, perd ses habitants (50 000 aujourd’hui contre 150 000 quand elle y était arrivée), vouée qu’elle est devenue au culte des 20 millions de touristes annuels. L’île de Sant’Erasmo, d’où provenaient tous les fruits et les légumes les plus formidables, court doucement à l’abandon, alors que le marché du Rialto est envahi de produits étrangers à la lagune. Et la Strada Nuova, cette rue où voisinaient les magasins les plus extraordinaires et les restaurants les plus alléchants, compte désormais davantage de take-away ou de boutiques de verreries. Tant pis. Heureusement qu’il reste les recettes de Brunetti.
Brunetti passe à table, de Roberta Pianaro et Donna Leon. Ed. Calmann-Lévy, 275 p.
Un menu terre et mer
La cuisine vénitienne vient d’une terre de cocagne qui réunit les produits de la terre et ceux de la mer dans une cuisine aux accents paysans et aux arômes du Sud. En antipasti, on prendra ces crevettes, melon et roquette très frais.
Ingrédients (4 pers.): 600 g de crevettes, 800 g de melon, 60 g de roquette, 60 g de cerneaux de noix, le jus d’un citron, 6 cs d’huile d’olive extravierge, 1 pincée de sel, 1 tour de moulin à poivre.
Préparation Plongez les crevettes lavées dans une casserole d’eau bouillante salée. Au bout de 2 minutes, égouttez-les et séchez-les. Placez-les dans une terrine.
Epluchez le melon, ôtez les pépins, coupez-le en tranches puis en cubes, mélangez-le aux crevettes avec sel, poivre, citron, noix et, en dernier, la roquette. Mélangez bien et servez frais.
En premier plat, pourquoi pas ces merveilles de lasagnes aux cœurs d’artichaut et au jambon (voir page 79 du livre).
En second plat, ces filets de turbot aux poireaux, aux câpres et aux raisins secs devraient convenir.
Ingrédients (4 pers.): 600 g de filets de turbot divisés en 8 morceaux, 200 g de blancs de poireau émincés, 60 g de raisins secs lavés et hachés, 30 g de câpres au sel lavées et hachées menu, 1 citron pressé, 10 cs d’huile d’olive extravierge, sel et poivre.
Préparation Lavez et séchez soigneusement les filets de poisson, couvrez-les et mettez-les de côté.
Dans une grande poêle antiadhésive, faites revenir les poireaux dans 5 cs d’huile d’olive et 1 cc de sel. Mélangez, versez 10 cl d’eau et faites cuire à feu moyen 15 minutes, en ajoutant un peu d’eau de temps à autre. Les poireaux ne doivent pas brûler.
Ajoutez les raisins, les câpres, un tour de moulin à poivre et faites cuire encore 5 minutes, jusqu’à ce que les poireaux soient tendres.
Dans une autre poêle, faites chauffer les 5 cs d’huile d’olive restantes avec une pincée de sel, puis ajoutez les filets de poisson. Faites-les cuire brièvement en les retournant une seule fois. Citronnez. Coupez le feu. Incorporez délicatement le poisson aux poireaux et laissez prendre 2 minutes.