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Benoît Violier, le chef, a sa belle chanson de gestes

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Violiier_rencontre.jpgLe successeur de Philippe Rochat se réjouit d’être enfin aux commandes de son restaurant dès mardi

Dans la superbe cuisine qu’il a dessinée lui-même lors de vacances en Corse, Benoît Violier s’excuse déjà pendant que la photographe met en place ses lumières: il doit aller faire son tour de salle en compagnie de Philippe Rochat. Depuis l’annonce du départ du chef vaudois et de la reprise par son second, tout le monde se bouscule pour manger à Crissier et discuter avec les deux hommes. Le tour de salle prend dès lors du temps.

Il est 15 heures, les cuisiniers attaquent déjà la préparation du menu du soir alors que les pâtissiers servent encore les derniers soufflés au fruit de la passion du midi. Violier revient, s’assied et se met à parler, avec ce débit qui n’appartient qu’à lui, rapide, volubile, passionné. Ses yeux pétillent, comme d’habitude, et même davantage: l’homme est impatient. «C’est vrai que je me réjouis d’être enfin aux commandes. Cela faisait si longtemps qu’on préparait cela avec Philippe Rochat. Maintenant, c’est là.»

Avec son chef Franck Giovannini, ils font encore les derniers réglages de la première carte de la nouvelle ère, qui débutera mardi. «Elle s’appellera d’ailleurs Menu No 1, puisque ce sera ma première. Mais l’œuvre continue depuis Fredy Girardet et son père en passant par Philippe Rochat.» Pour lui, l’ombre de ses prestigieux prédécesseurs est bénéfique. «Ce sont deux personnes que j’admire et que je respecte énormément. Même quand je serai le patron ici, eux resteront toujours un peu mes parrains.»

Du premier, il admire l’esprit qu’il a créé à Crissier. «Quelle spontanéité, quel génie! Il a inscrit de vraies valeurs, proposé de vrais produits, placé le restaurant dans sa réputation d’exception et de rigueur.» Du second, il reste encore bluffé par son goût: «Philippe Rochat a un palais incroyable, j’ai tenté de lui faire déguster à l’aveugle nombre de produits, et il est toujours juste. En plus, on communique très bien. On a presque des rapports père-fils.»

Mais attention, il ne s’agit pas de copier ou d’imiter. «Même si cela fait seize ans que je travaille ici, même si je vais respecter la ligne de la maison, je vais aussi imposer mon style. Le monde change et on ne peut plus faire comme on le faisait il y a vingt ans.» Quoi, du moléculaire à Crissier? «Non, pas du tout. J’aimerais tendre vers un goût le plus naturel possible. Un produit, un accompagnement, et c’est tout. Si on propose une langoustine aux petits pois, qu’elle ait vraiment le goût de petits pois. Pas de tandoori ou de coulis de poivrons.» Son style, promet-il aussi, ce sont des jus «très exprimés», soit, en langage commun, très réduits. «Avec 1 kg de carcasse de homards, on va sortir 4 cuillères à soupe de jus. Une touche de gras pour fixer le goût, une émulsion pour l’aérer, et voilà.»

L’homme est inarrêtable quand il parle de sa passion. «Tout est né dans la ferme de mes parents. Chaque enfant avait son propre coin de potager, les poules dont il devait s’occuper. Cela nous a rendus sensibles aux bons produits et au respect de la nature.» Et son perfectionnisme? «Sans doute hérité de mon père. Ses vignes étaient tellement bien soignées qu’on les distinguait sans peine de celles des voisins, ses vaches étaient toujours impeccablement propres.»

La rigueur, c’est aussi celle apprise pendant son apprentissage chez un ancien de Robuchon, suivie par un apprentissage de pâtissier, «pour apprendre à peser». C’est celle enseignée au sein des Compagnons du Tour de France avec qui il va voyager dans les meilleures maisons. C’est celle enfin de la préparation au concours de Meilleur Ouvrier de France, le Graal du cuisinier, remporté en 2000.

Le quadragénaire souhaite aussi défendre la nature. «On ne sert plus de thon ou de raie depuis quelques années. Notre nouvelle cuisine est beaucoup moins gourmande en énergie et on recycle énormément. Je crois que notre génération de cuisiniers est davantage sensible à ce problème.» Bien sûr, les produits servis à Crissier sont chers. «Certains prix sont devenus fous. Mais c’est notre rôle de montrer que ces produits existent.» Il s’enflamme pour les asperges de chez Blanc qu’il vient de recevoir, les fait monter de la cave pour nous les montrer, tant il est fier de pouvoir les cuisiner bientôt. «On doit toujours être en avance. Dès qu’on a un nouveau produit à la carte, on est imités rapidement.»

Mais il n’attrape pas la grosse tête: «Ce n’est qu’un métier manuel, de l’artisanat. Comme tous les artisans, nous devons avoir les bons gestes, les répéter mille fois pour qu’ils deviennent parfaits. Ensuite, on pourra faire de belles choses avec ces gestes justes.» Alors qu’il parle toujours, la vingtaine de cuisiniers qui nous entourent le démontrent.


Etats d'âme

Ce que j’aime «La nature, sous toutes ses formes. C’est là que je suis né, dans la ferme, où nous avions des vignes et des vaches. Je m’y détends, on s’y promène en famille, c’est là que je chasse, et c’est de là aussi que viennent les meilleurs produits que nous apprêtons à Crissier.»

Ce que je n’aime pas «La nourriture industrielle et le gaspillage.»

La dernière chose qui m’a ému «Voir aujourd’hui (ndlr: vendredi dernier) Fredy Girardet venir déjeuner à Crissier. Il incarne le premier maillon d’une chaîne de qualité que j’espère poursuivre.»


Biographie

1971 Naît le 22 août à Montils, en Petite-Champagne, vers Cognac. Il est le cadet, après quatre frères et deux sœurs.

1987 Débute son apprentissage à la Gourmandière de Pérignac, en Charente.

1988 Entre chez les Compagnons du Tour de France sous le nom de Saintonge Cœur Vaillant. C’est grâce à eux qu’il poursuivra sa formation dans les meilleures tables.

1996 Sur les conseils de Joël Robuchon, Fredy Girardet l’engage, Philippe Rochat le nommera chef en 1999.

1997 Rencontre sa femme Brigitte. Naissance de leur fils Romain en 2003.

2000 Devient Meilleur Ouvrier de France.

2008 Sort son premier livre, La cuisine du gibier à poil d’Europe (Ed. Gerfault).

2012 Reprend le Restaurant de l’Hôtel de Ville de Crissier dès le mois d’avril.

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