Rolf Chapuis travaille à l’ancienne ses produits vendus sur les étals vaudois
Rolf Chapuis a un credo, et il s’y tient: «Je veux que chacun de mes produits ne ressemble pas à ce que font les autres boulangers ou, pire, l’industrie.» Il faut dire que le boulanger a été à bonne école. Son ancien patron, José Cantenys, un Espagnol, avait repris la boulangerie de Palézieux-Village en 1964. Comme la boutique marchait mal, il l’a fermée pour aller vendre son pain (une seule variété) et ses produits de petite boulangerie sur les marchés. Rolf Chapuis l’a rejoint en 1976, avant de reprendre l’affaire en 1995. «Avec José, j’ai dû réapprendre mon métier. C’était du vrai artisanat, on pétrissait encore à la main.» Mais l’artisanat n’empêche pas l’expansion: aujourd’hui, Rolf, avec sa femme Graziella, son fils Steve et une vingtaine de collaborateurs vendent sur les marchés d’une dizaine de villes romandes* leurs produits toujours façonnés à la main dans leurs deux laboratoires, à Palézieux et à Forel.
Immense four à bois
«On a acheté quelques machines, bien sûr, dont un pétrin. Mais attention, un pétrin lent à deux bras, celui dont le travail ressemble le plus à celui d’un homme. Et on a un laminoir pour abaisser la pâte.» Le four à bois a été reconstruit selon l’idée de Rolf Chapuis, avec une surface de cuisson de 20 m2. «Les gens n’y croient pas mais on atteint des températures époustouflantes, on pourrait y faire fondre du verre», sourit-il. Il s’agit d’abord de chauffer le four, avec d’immenses bûches. «Quand il est aux alentours de 400 °C, on enfourne les pâtes très aérées, qui cuisent très vite, comme les cocas catalanes ou les pains au raisin, puis au fur et à mesure que la température redescend, on met les taillés aux greubons, les pizzas qui ont beaucoup d’humidité, et ainsi de suite.»
Bien sûr, les Chapuis ont un peu élargi la gamme d’origine. Du seul pain de l’époque, on est passé à une dizaine de variétés. «C’est ce que veulent les clients aujourd’hui.» La petite boulangerie s’est un peu étoffée mais pas trop. Au hit-parade des ventes, il y a d’abord ces ramequins au fromage, dont la pâte est foncée à la main dans les moules. «J’ai racheté une machine d’occasion qui peut le faire mais je suis sûr que ça ne marchera pas. Il faudrait adapter la recette de la pâte et ça, il n’en est pas question!» L’artisan en produit pourtant quelque 200 000 chaque année, dont l’essentiel en été: «En hiver, on fonctionne au ralenti, les gens viennent moins au marché.» Les ramequins sont ensuite garnis de gruyère, «mais du bon, affiné au moins sept mois», et cuits sur place dans des petits fours. «C’est comme ça qu’ils sont bons, encore tièdes…»
L’autre produit phare, ce sont ces taillés aux greubons, façon Chapuis. «Ils ont cette forme rectangulaire particulière, avec leurs deux fentes pour que cela cuise bien au milieu. Au départ, une pâte à pain, tournée deux fois avec un temps de repos. «Les autres boulangers intègrent les greubons dans le pétrin, nous, c’est quand on abaisse et qu’on tourne la pâte. Et on en met beaucoup plus, 50% de la pâte!» Il y a ces flûtes géantes, faites avec une pâte à croissant, ces croissants, ces pains fourrés au meilleur chocolat Felchlin, ces pains au raisin, ces feuilletés à la crème. «Bien sûr, en les regardant, on voit que c’est artisanal, ils sont un peu irréguliers. Ils ne font pas Migros!» sourit Rolf Chapuis.
* Sur les marchés de Lausanne, Montreux, Vevey, La Tour-de-Peilz, Morges, Fribourg, Monthey, Martigny, Sion et Berne.