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L'infinie sagesse de Pierre Monachon

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Le vice-président de la Confrérie des vignerons n’est jamais plus heureux qu’au milieu de ses vignes de Rivaz, avec la vue sur le lac où il aime toujours régater. Rencontre.

Pierre Monachon a le calme du vieux sage, la modestie du Vaudois et l’excellence du vigneron moult fois reconnu pour ses crus. De cette famille de meuniers de Peyres-Possens qui s’est établie à Rivaz en 1777 tout en cultivant des vignes à côté, Pierre a tiré cette responsabilité de transmettre, ce souci de préserver. Ce bon sens terrien qui l’a très vite poussé à travailler ses sols en économisant au maximum les traitements. « J’ai reçu un domaine de mon père Benjamin, qui l’avait reçu de mon grand-père Jules, le premier à mettre son vin en bouteilles. Je n’ai obligé aucun de mes trois enfants à le poursuivre mais je suis heureux que Basile ait décidé de le faire après avoir tenté d’autres formations. Et j’ai prévenu mes deux autres enfants que tout serait fait pour l’aider sans les prétériter. »

Depuis quatre ans, donc, Basile est locataire du domaine de son père, le temps que ce dernier atteigne l’âge de l’AVS et le lui remette. « J’y travaille toujours, évidemment, parce qu’aller à la vigne, sur ces terrasses magnifiques, c’est aussi bien que d’aller skier à Zermatt. » Le vigneron a le bonheur du métier, de la tâche accomplie. Le méticuleux est heureux que tout soit en ordre, les murs des terrasses bien entretenus, la cave parfaitement dotée en matériel. « Bien sûr, je n’ai jamais voulu acheter des voitures luxueuses, j’ai toujours réinvesti dans l’affaire. Les murs, par exemple, c’est un travail qu’il faut faire régulièrement, j’y consacre deux semaines par année avec un maçon. Et puis monter une brante de ciment de 50 kg sur la troisième terrasse en haut, c’est mon sport. »

Les charges du privilège

Car Lavaux, c’est aussi cela. Une vue superbe, un patrimoine mondial de l’Unesco, mais qui demande du boulot : remonter la terre, consolider les murs, travailler à la main parce que rien n’est mécanisable sur ces pentes ardues. « Cela me fait de la peine quand je vois certaines parcelles qui sont mal entretenues », regrette le vice-président de la Confrérie des Vignerons, qui récompense, elle, les meilleurs tâcherons de la région.

Lui n’est jamais plus heureux qu’à la vigne. « On a un métier formidable parce qu’on fait tout de la production à la transformation et à la vente. Une journée à la cave, j’adore, mais il ne faudrait pas m’y mettre deux semaines de suite. Même chose pour les salons ou les restaurants où on vend. C’est chouette… en petites quantités. Alors que quinze jours dans les parcelles, c’est le bonheur, ça soigne l’esprit. » C’est aussi pour cela que le garçon n’a jamais voulu agrandir son domaine de 3 hectares. « Quand tu grandis, le patron passe son temps à vendre, au contact des gens qui veulent le voir. Ce n’est pas mon truc. »

Son sens de la transmission, il l’a déjà connu de son père, qui l’a très vite mit en selle, à 22 ans. « J’ai travaillé avec lui une année mais ce n’était pas possible. On a donc trouvé un autre système. » En remettant à Basile, il a fait le boulot et il s’interdit de juger son successeur. « Ce n’est pas facile au début, tu as travaillé toute ta vie pour que l’entreprise soit parfaite. Mais quand tu passes les rênes, tu dois laisser l’entière liberté. Basile peut faire ce qu’il veut, je n’ai pas à juger. »

Le bien commun

Son temps, par contre, il l’a beaucoup donné à la communauté, comme un devoir qu’il estimait devoir faire, à la suite de son père. Domaine test pour les Stations fédérales, responsable de la promotion des vins de Saint-Saphorin, syndic de Rivaz pendant de longues années, président du label de qualité Terravin, vice-président de la Confrérie des vignerons, le sens du bien commun, toujours. « Mais il faut le faire pour soir, ne pas attendre de la reconnaissance parce que tu seras déçu. » Beaucoup de charges dans un emploi du temps chargé, « mais je n’ai pas passé mon temps à refaire le monde avec mes collègues autour d’une bouteille ».

« Si tu veux faire du vin standard, ce n’est pas trop compliqué, tu appliques des recettes. Mais moi, je veux me faire plaisir, essayer des choses, soigner le moindre détail pour être fier de mon produit. J’ai été un des premiers à planter du merlot ou du mara à Lavaux.» En dégustant son Dézaley, ses Manchettes ou son Plantaz, on l’approuve. Et ses rouges ne sont pas mal non plus…

On pourrait le croire moine soldat, en mission pour ses vins qu’il bichonne. Mais le grand échalas réussit à être en même temps le plus chaleureux des hôtes, avec sa voix douce qui cache une ferme conviction. « Je suis content de ma vie, d’avoir une femme merveilleuse, de partager des passions avec mes enfants. » Outre le vin avec Basile, il y a la montagne et le ski avec Jeanne, et la voile avec Christian.

Méticuleux sur l’eau

Oui, parce que la régate est une chose sérieuse chez les Monachon. Pierre a acheté il y a quarante un 6m50 SI de 1932, en bois, parce qu’ils n’étaient pas chers à l’époque et que c’est un bateau de sensation et de compétition qui permettait de faire le Général Guisan et le Bol d’Or à l’époque. « En plus, tu ponces, tu changes une pièce, tu peins. Je le passe en chantier tous les dix ans mais je le bichonne tout le temps. Il est comme neuf. C’est comme la vigne, tu montes sur ton bateau et tu vois que tous les détails sont en ordre, que le bateau est beau, ça te fait plaisir. » Méticuleux, on l’avait dit, celui qui produit aussi une Cuvée du Marin.

Article paru dans "Animan" de mai, spécial Fête des vignerons.

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