La nouvelle secrétaire générale de l’Association pour la promotion du chasselas a suivi un parcours original pour en arriver là.
(Portrait paru dans 24 heures du 6 février 2024, photo Odile Meylan).
Nous voulions la voir dans un environnement viticole, mais elle s’inquiétait de mettre en avant un domaine plutôt qu’un autre. Dans ses nouvelles fonctions, Nathalie Favre organise le concours de dégustation du Mondial du chasselas, et elle ne voulait laisser place à aucun soupçon de favoritisme. La quinquagénaire est pointilleuse, rigoureuse, travailleuse, ce qui l’empêche parfois de laisser ses émotions transparaître.
Lorsque son logiciel de navigation lui annonce cinq minutes de retard à notre rendez-vous, elle s’empresse de nous prévenir, dans le même souci d’organisation. Ajoutons-y la politesse de cette fille de restaurateurs du Nord vaudois, à qui ses parents avaient déconseillé le métier et dont la sœur est elle-même cuisinière. «Les filles ne faisaient pas d’étude dans la famille, dit-elle. J’ai commencé à travailler à La Poste, car je voulais gagner ma vie. Même si mon rêve, c’était de devenir enseignante.» Elle le deviendra plus tard, nous y reviendrons.
Nathalie Favre raconte avec beaucoup d’attention, comme si elle craignait de faire des erreurs. «Elle est assez réservée, explique son amie Marjorie Bonvin, maître caviste chez Henri Badoux. Mais elle essaie de ne pas le montrer. Elle ressent aussi le besoin de justifier sa place, comme beaucoup de femmes.»
Une curieuse de nature
Alors, son discours suit un cheminement aussi complexe que son CV, fait de rencontres, de passions, d’occasions. Elle s’occupe de foires, de formation à la vente et de merchandising pour le géant jaune, sans formation jusqu’à ce CFC d’employée de commerce qu’elle fait en cours du soir à 27 ans. «Attendez, ça devait être beaucoup plus tôt», s’étonne-t-elle en fouillant dans son téléphone pour retrouver la copie de son diplôme. «Ah non, c’est bien ça.»
«Quand vous évoluez dans l’enseignement en entreprise, vous vous intéressez à plein de domaines.»
Est-ce pour compenser ces études qu’elle n’avait pas pu faire qu’elle cumulera les formations et les brevets par la suite, en marketing, en formation d’adulte, en PNL, en sommellerie? «J’aime aller au fond des choses. Et quand vous évoluez dans l’enseignement en entreprise, vous vous intéressez à plein de domaines, au développement personnel. Ça force ma curiosité naturelle.»
À la énième restructuration de La Poste, elle prend son indépendance en fondant sa propre structure, Réussi, pour promouvoir ses formations en marketing. L’Yverdonnoise exilée à Genève y fait des rencontres, monte des projets qui ne voient pas toujours le jour, comme ce bar à vins suisses qu’elle voulait créer au bout du lac, après avoir obtenu sa patente de cafetier.
«Dans une famille de restaurateurs, c’était Noël tous les dimanches à la maison, où on dégustait de bons produits.»
C’est un premier pas dans le monde viticole pour celle qui a fait l’École du vin de Changins, une nouvelle passion de cette amoureuse du goût. «Dans une famille de restaurateurs, c’était Noël tous les dimanches à la maison. On dégustait de bons produits, cela a exacerbé ma sensibilité aux saveurs.» Mais elle peine à trouver une place dans les caves. «On ne me proposait que des rôles d’hôtesse pour les foires.» Marjorie Bonvin confirme: «Elle a vraiment commencé tout en bas; elle a ramé, elle s’est formée, elle en voulait depuis des années.»
Sa première rencontre avec le Mondial du chasselas, elle la doit à un autre Nord-Vaudois, Philippe Addor. Le patron de GWS est chargé d’organiser la première édition de ce concours et propose à Nathalie Favre d’en être la cheffe de projet. «Il n’y avait rien. Il fallait tout monter de A à Z, base de données des producteurs et des dégustateurs, courriers en trois langues, gestion de la logistique, etc. C’était passionnant et stressant à la fois.»
Elle y rencontre, déjà, Claude-Alain Mayor, la cheville ouvrière du concours qui l’accompagne aujourd’hui, avant qu’elle le remplace. «Je suis toujours restée très proche de ce concours, et j’y ai même dégusté plusieurs fois. Je le suivais toujours avec beaucoup d’émotion.»
Des propositions alléchantes
Persévérante dans son amour du produit, elle se lance à 48 ans dans le brevet fédéral de sommelière. «C’était éprouvant, je n’avais aucune expérience dans le service. J’ai décroché un stage au Domaine de Châteauvieux. J’ai réussi à suivre le rythme de fou de ce restaurant étoilé et je n’ai plus eu peur.» L’ironie de l’histoire, c’est que ce brevet va tout changer pour elle. «Il a assis mes compétences. Alors que j’avais renoncé à travailler dans le monde du vin, c’est là qu’on est venu enfin me proposer des postes qui me correspondaient.»
«Je suis Vaudoise, le chasselas fait donc partie de mon ADN. À l’apéro, au repas.»
D’abord le secrétariat de l’Union suisse des œnologues, où elle élargit son réseau dans le domaine. Alors qu’elle multiplie les propositions aux concours de vins, en Suisse, en France et en Allemagne, qu’elle continue à travailler comme ressource pour GWS, le Mondial du chasselas revient vers elle. «Je suis Vaudoise, le chasselas fait donc partie de mon ADN. À l’apéro, au repas. Et j’ai eu la révélation des vieux millésimes qui donnent de très grands vins et qui accompagnent si bien les fromages.»
La dynamique secrétaire générale cumule donc les postes, qui lui prennent tout son temps. Pour le reste, elle se déplace souvent à vélo, le sport régulier lui permet de maintenir son équilibre, et elle pratique volontiers le snowboard à Anzère. Elle aime toujours la musique, particulièrement le rock, un reste de sa jeunesse à Yverdon. Et la vie ne lui a pas donné l’occasion d’avoir des enfants, «c’est comme ça».
Bio
1970 Naît à Orbe, elle a une sœur.
1987 Commence à travailler à La Poste.
1993 Disparition brutale de sa maman.
1997 CFC d’employée de commerce en cours du soir.
2000 Diplôme marketing au SAWI.
2005 Diplôme fédéral de formatrice en entreprise.
2006 Fonde Réussi, entreprise d’enseignement pour adultes.
2009 Patente de cafetier à Genève, idem sur Vaud en 2015. Responsable de formation à l’Hôtel Beau-Rivage de Genève.
2012 Cheffe de projet pour le 1er Mondial du chasselas.
2018 Brevet fédéral de sommelière à Changins.
2019 Rencontre son compagnon, Thierry.
2020 Secrétaire générale de l’Union suisse des œnologues.
2023 Secrétaire générale de l’Association pour la promotion du chasselas.