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Pierre-Luc Leyvraz sera réincarné par les Jomini

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La famille reprend le célèbre domaine de l’artisan vigneron de Chexbres sans rien changer. (article paru dans 24 heures du 17 mai 2024, photo Patrick Martin)

Comment se sent un vigneron qui transmet son domaine? Ému? Soulagé? Un peu des deux sans doute, comme le montre discrètement Pierre-Luc Leyvraz, qui nous reçoit dans son caveau en compagnie de la famille Jomini. Le premier, artisan méticuleux, polisseur de joyaux de chasselas dont ses célèbres Blassinges, cherchait une solution alors que l’âge de l’AVS menaçait. «J’ai repris très jeune le domaine de mes parents, cela fait plus de quarante ans que je suis là, tout seul. À force, cela use un peu.»

Après avoir imaginé une première solution qui n’a finalement pas abouti, c’est lui qui s’est approché de ses voisins, Sophie et Constant Jomini, pour leur proposer l’affaire. «J’aurais pu céder mes différentes parcelles à des vignerons voisins de vignes mais cela aurait mis à bas tout ce travail effectué pour me bâtir une clientèle et une réputation. Et comme ma fille n’était pas intéressée à reprendre…»

Du côté des Jomini, domaine de la même taille, on cherchait comment accueillir les deux fils sur l’exploitation alors que les parents, encore jeunes, vont perdurer. La proposition de Leyvraz a donc suscité l’enthousiasme. Entre Vaudois, on sait prendre le temps de la réflexion, et les mois pour échafauder une solution originale. C’est fait. Les Jomini louent les vignes et la cave, tout en gardant le nom de leur prédécesseur et sa réputation.

Conserver les styles

«Nous avons deux styles de vins différents, deux catalogues différents, lui plus de chasselas, nous plus de rouges. C’était vraiment l’idée de ne pas fusionner mais de poursuivre les deux exploitations, explique Constant Jomini. D’autant que Pierre-Luc a une clientèle avec pas mal de Suisses alémaniques ainsi que des restaurants ou des bars à vins renommés, alors que nous avons plutôt des clients privés de la région. Il ne faut décevoir ni les uns ni les autres.»

Promis, donc, les Jomini ne vont toucher à rien, ni au nom, ni aux étiquettes, ni aux vins. Le mage de Chexbres a pris Guillaume Jomini en stage pendant un mois au moment des vendanges pour lui montrer ses secrets de vinification, comme il a ouvert tous ses livres. Il continue à recevoir ses clients pour leur vendre son dernier millésime et leur présenter les repreneurs. Et il sera toujours à côté pour un éventuel coup de main.

«C’est super de ne plus avoir toute cette pression, celle de la vigne et de la météo, celle de la cave et des fermentations, avoue le jeune retraité, qui adore Charmey ou les balades en bateau. Quand on est une toute petite exploitation, tout repose sur un seul homme.» La voix est posée, le sourire toujours un peu canaille, à l’ombre des nombreux trophées qu’ont remportés ses vins, Coupe Chasselas, Lauriers de platine, Grand Prix du vin suisse ou Robert Parker qui a mis 92 points à son Saint-Saph’ et à son Dézaley 2020.

«En voisin, j’ai toujours observé les Jomini, et j’ai admiré leur modernisme, leurs initiatives, leur professionnalisme. Ils sont sérieux et consciencieux. Je ne suis donc pas inquiet pour l’avenir, ni pour la réputation de mon nom. Mais c’est vrai que c’est un nouveau modèle de reprise de domaine, pas une vente, pas une fusion.»

Une icône locale

«Pierre-Luc a tellement fait pour la renommée de Saint-Saphorin, s’enthousiasme Sophie Jomini, c’est un honneur de pouvoir continuer son aventure.» Les deux exploitations sont relativement jeunes, ont été fortement développées par la génération actuelle, et vont donc continuer à vivre de concert. L’employé de Leyvraz depuis trente-trois ans, Rade, est devenu chef de culture chez Jomini.

Les deux enfants sont prêts à faire leur part. Benjamin, 25 ans, CFC de vigneron et de caviste, a fait l’ES de Changins puis un petit saut en Argentine avant de venir épauler ses parents. Il rêvait du métier depuis tout petit. Son frère Guillaume, 23 ans, a mis plus longtemps à exprimer sa vocation. Après un CFC de vigneron, il fait la HES de Changins et sera ingénieur dans une année. «Benjamin est plus tenté par le côté viticulture, Guillaume par la clientèle, mais comme ils ont les deux les mêmes compétences, ils seront parfaitement complémentaires, pourront même échanger leur rôle une année s’ils le veulent», s’émerveille leur père Constant.

«Les planètes se sont alignées magnifiquement», affirment-ils tous en chœur. Ce week-end, aux Caves ouvertes, on ne verra que les vins Jomini, qui proposeront également une visite de cave toutes les vingt minutes. «On ne voulait pas tout mélanger, explique Sophie. Peut-être dans trois ou quatre ans.» Pierre-Luc Leyvraz, lui, aura son week-end pour lire, sa nouvelle passion.

Lien permanent Catégories : Portrait, Vins 0 commentaire

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