On en parlait depuis des mois, et le restaurant d'Anne-Sophie Pic au Beau-Rivage de Lausanne a ouvert ce mercredi. Et nous avons eu le privilège d'y manger ce jeudi midi, petits veinards que nous sommes. Vous aimeriez savoir? Savoir quoi, d'abord? Si elle était là? Oui, elle est là, et bien là pour le lancement, ne quittant sa cuisine que le service fini, parce que c'est une perfectionniste, la petite-fille Pic, trois-étoiles à Valence. On nous dit qu'elle sera presque autant à Lausanne qu'à Valence. On verra. Et c'était comment? Très très bien. On vous raconte?
Le décor, d'abord, est très beau, tout en taupe, en ocre, en verre. Le restaurant en forme de L de 52 couverts offre de larges baies vitrées sur les jardins du Beau-Rivage et le lac tout proche. La terrasse en teck est magnifique (30 places) et on se réjouit de voir les voiles de bateau qui la recouvrent dès que la pluie aura cessé. L'entrée se fait soit par le lobby du palace, en traversant le nouveau bar, chic et design, soit par une entrée beaucoup plus proche de la réception que ne l'était celle de la Rotonde.
La carte reprend quelques classiques de la maison Pic et propose deux-trois plats avec des produits locaux. Anne-Sophie Pic promet qu'elle veut les utiliser davantage, mais elle a encore besoin d'un peu de temps pour les découvrir. Bien sûr, manger à la carte peut se révéler ruineux, avec des entrées allant de 48 francs à... 195 francs (asperge de Mallemort et caviar d'Aquitaine), et des plats démarrant à 88 francs et se terminant à 360 francs pour le célèbre bar de ligne au caviar Jacques Pic. Trois menus rendent la douleureuse moins... douloureuse, à 185, 240 et 330 francs.
Pour notre part, nous sommes partis sur le second, baptisé Emotions, et le nom était assez juste: en amuse-bouche, sa célèbre crème brûlée de foie gras et émulsion de pommes granny smith est à pleurer de bonheur. Puis une petite merveille campagnarde avec cet oeuf de poule (valaisan) juste cuit mollet, posé sur un crémeux de petits pois, des pickles d'oignons rouges et une émulsion au raifort. Cela résume assez une cuisine très féminine (si, si), qui peut s'appuyer sur des produits "courants" pour en révéler la qualité. C'est aussi féminin par des goûts subtilement entrecroisés, sans aucune agressivité, par des couleurs assez douces, par des textures très souples. Il n'y a rien qui s'expose vulgairement, mais un tout qui se révèle tranquillement, dans une progression agréable.
Le tronçon de turbot côtier est cuit tout doucement à la vapeur, relevé d'un beurre monté au citron de Menton juste comme il faut. A ses côtés, une texture de navets est parfumé d'arabica. Le homard bleu, lui, est tendre à souhait, avec ses baies et fruits rouges qu'accompagne une crème mousseuse au céleri et poivre vert. Enfin, la selle d'agneau de Sisteron est doucement rôtie, avec une sorte de cromesquis de banon et une sauce acidulée à la riquette, aux câpres et olives noires.
Tout est dans la ligne et semble rouler... sauf le timing, encore un peu lent. Mais ce n'était que le deuxième jour et la brigade doit sans doute trouver ses marques. Le service, lui, est agréablement professionnel, juste décontracté comme il faut.
Il faudra encore stabiliser l'ensemble pour convaincre pleinement des clients suisses habitués aux sommets que peuvent offrir des Philippe Rochat ou Gérard Rabaey, mais le départ est pas mal du tout.
Commentaires
Dommage qu'il n 'y ait pas de photos mais merci pour ces impressions en primeur !