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Lucrèce Lacchio, la bombe d’énergie explose dans les cuisines de l’EHL

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La jeune cheffe du Berceau des Sens apporte sa fraîcheur et son inventivité dans le restaurant gastronomique. (Portrait paru dans 24 heures du 13 décembre 2023, photo Marie-Lou Dumauthioz)

Tous les matins depuis le mois de septembre, une jeune femme haute comme trois pommes pousse les portes des cuisines du Berceau des Sens, le restaurant gastronomique de l’EHL Hospitality Business School, avec une énergie folle. Elle lance un tonitruant «hello» à son équipe, qui lui répond en souriant. Il faut dire qu’il est difficile de ne pas se laisser charmer par la vitalité et la bonne humeur de Lucrèce Lacchio, 1,57 m, 31 ans, la nouvelle cheffe qui a succédé ici à une brochette de Meilleurs ouvriers de France, tous masculins et nettement plus âgés.

«Cédric Bourassin, mon prédécesseur, qui est toujours ici en recherche et développement, ou Christian Segui, mon chef exécutif, pourraient être mes pères. Des fois, je les appelle comme ça, ça les fait sourire. Mais ils me font confiance, ils m’aident si je leur pose des questions.» Elle est comme ça, aussi joyeuse qu’impliquée, aussi décidée que sainement ambitieuse. Il faut ça pour reprendre une machine prestigieuse, avec une équipe de cuisine d’une vingtaine de personnes, huit professionnels et une douzaine d’étudiants qui changent chaque semaine. Une table de luxe ornée d’une étoile Michelin et de 16 points au Gault&Millau.

Fraîcheur et audace

La trentenaire française – aux origines italiennes, comme son nom le laisse supposer – bouscule un peu l’ordre établi dans l’institution lausannoise. Première femme aux commandes dans une brigade d’hommes, alors que 60% des étudiants sont des étudiantes, elle apporte une vision fraîche et audacieuse de la cuisine, un style urbain et moderne. «Quand j’ai passé mon entretien d’embauche, je n’ai pas caché mes tatouages, alors qu’ils sont proscrits ici. Mais ils font partie de moi.»

Elle avoue en avoir sur tout le corps, en faire de nouveaux dès qu’elle a une minute. Comme ce «Patience», affiché dans son dos pour calmer les ardeurs de cette jeune femme facilement en proie au stress. Comme ce «Made in France», pour se souvenir d’où elle vient. Ou ce couteau suisse sur son bras, elle qui sait tout faire en cuisine après une double formation de cuisinière et de pâtissière. Ou encore ce poulpe qui flotte sur son avant-bras, un animal aussi intelligent que discret, qui se faufile partout.

«C’est une boule d’énergie, elle a toujours été comme ça», raconte son frère César, lui-même cuisinier au Street Cellar de Lausanne après avoir passé chez Anne-Sophie Pic ou Carlo Crisci. Cet aîné de cinq ans a inspiré sa cadette, qu’il surnomme Moustique ou le Pin’s, elle qui lui servait de commise à la maison. «J’étais bonne à l’école, mais j’avais envie de faire quelque chose de mes dix doigts. Quand j’ai commencé la formation, j’ai su que c’était pour moi. Même si au début, c’était compliqué, parce que j’ai beaucoup de caractère et que je ne me laisse pas faire. Je me suis fait disputer un nombre incroyable de fois.»

«Elle ne se met pas de barrières et fait la cuisine qu’elle aime», admire son frère. Une cuisine fraîche, moderne, élégante et audacieuse. Elle y privilégie les légumes, qu’elle mange elle-même beaucoup, et les poissons, plus fins et délicats que la viande. Surtout, elle les accorde avec des fruits, qui font partie de chacune de ses assiettes. «C’est drôle, parce que je n’en mange jamais. Mais j’aime la fraîcheur et la douceur qu’ils apportent, le défi de les combiner aux autres saveurs. Les fruits, c’est une gamme incroyable que je continue à découvrir. Et j’adore les challenges, faire ce que les autres ne font pas.»

Des idées à la pelle
Les idées, elle n’en manque pas. Pour preuve, elle sort son téléphone portable, sur lequel elle les note à tout moment. Une liste incroyable d’une quinzaine de pages dans laquelle elle puise au moment de lancer de nouveaux plats, elle qui n’est pas adepte de changer le menu complet en une seule fois. «Parfois, je fais des essais en plein service, sous les yeux médusés de mon équipe. Le problème, c’est que je déteste peser les ingrédients. Donc, quand j’ai fini l’essai, c’est compliqué de refaire le plat à l’identique.»

Elle en sourit, avec cette franchise et cette bonne humeur qui paraissent perpétuelles. «Plus jeune, je pouvais être colérique, mais j’ai compris assez vite que cela ne servait à rien. J’ai dû un peu me battre au début pour me faire une place dans un monde d’hommes mais, aujourd’hui, ce n’est plus un problème.» Elle dirige son équipe avec le sourire, pratique le soft management, explique et écoute. Mais c’est bien elle qui décide au final, avec détermination. Elle qui, toute jeune, se voyait déjà à la tête d’un restaurant étoilé à 30 ans, avoue parfois douter, ne pas avoir confiance en elle et se poser des questions chaque soir en rentrant à la maison. «C’est un avantage de toujours se remettre en question.»

Au Chalet-à-Gobet, celle qui aime Anne-Sophie Pic, Andreas Caminada ou Clare Smyth pour le côté épuré de leur cuisine va pouvoir transmettre sa passion aux étudiants. «C’est génial de pouvoir faire découvrir aux futurs décideurs l’univers des cuisines, de partager notre travail. Cela rend notre métier encore plus beau.»

Entre deux services, elle s’évade par le sport, dans un fitness voisin. Sinon, elle s’avoue assez casanière, entre sa famille et ses amis, entre des balades en campagne et de la musique, toutes les musiques, entre Milo, son lapin, et Thibaut, son copain, lui aussi cuisinier. Ils ne travailleront jamais ensemble, parce que ce serait trop compliqué. Mais la jeune femme envisage, un jour, de fonder une famille.

BIO

1992 Naît le 23 novembre à Saint-Martin-d’Hères, dans la banlieue de Grenoble. 2007-2011 BEP cuisine puis bac pro cuisine au Lycée Clos d’Or, à Grenoble. Elle en profite pour faire un CAP pâtisserie en même temps. 2011 Cheffe de partie au Peninsula de Chicago (USA). 2012 Cheffe de partie, puis sous-cheffe au Flacon, à Carouge (GE). 2017 Sous-cheffe au Là-Haut, à Chardonne. 2021 Cheffe au Flacon, à Carouge. 2022 Rencontre son compagnon, Thibaut, lui aussi cuisinier. 2023 Devient cheffe du Berceau des Sens de l’EHL Hospitality Business School le 1er septembre.

Lien permanent Catégories : Portrait, Restaurants gastronomiques 0 commentaire

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