Julien Colas lance le premier restaurant du canton où les plats sont servis dans l’obscurité la plus totale
«J’ai testé tous les restaurants dans le noir d’Europe, sauf celui de Moscou, afin d’affiner le concept.» Julien Colas est confiant à l’heure d’inaugurer ce soir son établissement, au Flon, dans les locaux de l’ancien Epicurious. A côté du Barock (lounge bar élégant qui servira cocktails et tapas) et d’une terrasse ouverte en été, le patron du Tribeca propose en effet de vivre une «expérience sensorielle» en dégustant un menu surprise de trois plats dans le noir absolu.
La cinquantaine de clients de chaque service (19 h ou 20 h 30) commenceront par mettre dans un coffre fermé à clé tout ce qui pourrait éclairer le repas: téléphone mobile, montre, lampe de poche. Ils mettront ensuite la main sur l’épaule d’un des serveurs malvoyants, qui les mèneront, à travers un sas, à leur place, où sont déjà mis les couverts, sur la droite. Le tout doit durer une heure et quart, pas plus: «L’expérience ne doit pas être trop longue», affirme Julien Colas.
Décoré, malgré l’obscurité
Celui qui avait lancé Chez Mathilde et Les Tire au Flon a réfléchi aux moindres détails. La décoration, par exemple. «Sans rire, il faut décorer même si les clients ne verront rien. Dans le noir, on sent ce qui nous entoure.» Tous les angles contre lesquels on pourrait buter ont été recouverts de mousse. Les tables sont rainurées pour qu’on puisse s’y retrouver. Le passe-plats depuis la cuisine est opaque, avec des étages différents pour les plats spéciaux (sans gluten ou sans fruits de mer, sur commande). La ventilation amène de l’air assez frais puisque le client a une petite tendance à stresser dans le noir.
Au final, on dégustera la cuisine gastronomique du chef Jérémie Baudeau sans savoir ce qu’on mange. «Nous allons pas mal jouer sur les textures, les cuissons pour intriguer les gens. Cela doit rester un moment excitant où l’on fait appel à tous nos sens, sauf à la vue puisque c’est cette dernière qui programme d’habitude notre goût, analyse le jeune patron de 32 ans. Le dîneur cherchera des souvenirs d’enfance, retrouvera des sensations anciennes grâce à une cuisine basée sur des produits de qualité et un menu qui change.»
Julien Colas est persuadé qu’il y a un marché suffisant pour ce type de table. «Même si tout le canton de Vaud ne vient qu’une fois, j’assure déjà dix ans d’ouverture.» Il compte aussi sur les soupers d’entreprise et sur… les soirées drague. «J’ai testé à Paris. C’est idéal pour un premier repas avec quelqu’un que l’on courtise, tellement romantique…»
Noir d’Ivoire, Port-Franc 11, Lausanne. Ouvert le soir, sauf le dimanche et le lundi. Menu 79 fr. Réservation obligatoire: www.noirdivoire.ch.
UNE SOIRÉE OÙ ON PERD SES REPÈRES
Nous avons eu l’occasion d’essayer la formule, avec un menu qui ne sera pas celui de l’ouverture. Il y a d’abord David ou Claire, qui vous prennent en main, vous guident à votre table avec beaucoup de gentillesse. On ne sait pas où on est, on tâtonne pour chercher ses couverts ou le verre, dans lequel verser de l’eau devient une gageure. On est à l’affût du moindre indice, du moindre bruit, de la moindre odeur. On parle beaucoup, parce l’intimité est immédiate et qu’on stresse un peu. L’entrée arrive. On la devine du bout du doigt, avant d’y planter la fourchette. La texture est étrange, le goût excellent. On saura ensuite que c’est un foie gras non assaisonné cuit à basse température et une gelée de pamplemousse. Le vin est-il blanc ou rouge? Quand le plat est là, on reconnaît une viande. Mais laquelle? (En fait une entrecôte dégraissée, cuite à basse température). L’odeur de truffe de la sauce est, elle, très reconnaissable, comme le granuleux de la polenta. Mais, goût ou texture, tout prend une autre dimension…
Commentaires
Bonsoir,
Je sors à peine du restaurant où l'expérience vécue me laisse sur un petit nuage: découvert de belles sensations,plaisir de sentir tous mes autres sens en éveil.
Ai eu la chance de partager quelques mots avec l'un des cuisiniers et je regrette qu'il ait du retourner à ses fourneaux car aurait eu plaisir à échanger nos expériences. Aurais eu plaisir aussi à parler plus longuement avec Claire et Cédric qui se sont occupé de nous avec tant de gentillesse. Merci pour cette belle aventure.
Christine