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La cochonnaille perd un lieu capital à Chardonne, Au Bon Vin

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Le vieux restaurant, où Thierry Sax faisait lui-même boucherie, va fermer fin avril. Encore une pinte qui disparaît.  

(Article paru dans 24 heures du 2 avril, photo Chantal Dervey)

«À raison d’un cochon par semaine, j’ai dû liquider 700 porcs depuis que je suis là», s’amuse le jovial Thierry Sax, patron multifonction, boucher et cuisinier, tandis que son épouse, Héléna, assure un service chaleureux dans la petite salle où trônent aussi bien le portrait du général Guisan qu’une multitude de cochons rigolos, la grande maquette du village réalisée par le patron à ses rares heures perdues comme le feu rouge indiquant l’état de stress de la cuisine. 

Coup de foudre

«Comme je suis seul aux fourneaux, j’ai toujours peur que les gens doivent attendre trop longtemps.» Pour le Veveysan grandi à Genève, passé par l’École hôtelière de Lausanne, la route a été assez courte. Une étape aux États-Unis, la gérance du Café du Soleil, au Petit-Saconnex, où il a rencontré Héléna, qui y travaillait, avant de chercher à se mettre à leur compte. «C’est ma mère, qui connaissait les Ducret, qui m’a dit que c’était à reprendre. Quand je l’ai vu, ça été le déclic pour moi qui adore le terroir.»

En arrivant, le «Genevois» a mis à sa carte des vins de tous les vignerons de la commune, gagnant ainsi leur confiance. Il a surtout repris et développé l’activité de boucherie. «Les dix premières années, j’ai appris sur le tas, aux côtés de René Chaudet, boucher de campagne, qui venait chaque semaine. Quand lui a arrêté, je ne l’ai dit à personne pour qu’on ne me reproche pas que ce n’était plus aussi bien qu’avant. Comme personne n’a remarqué le changement, tout allait bien.» Mais le job est chronophage, de 6 h à 23 h le jeudi, et pas mal les autres jours.

Un temps qui s’en va

Les traditions ont du plomb dans l’aile. Les cochons de Châtel-Saint-Denis sont désormais tués à Vaulruz avant que Thierry Sax ne les travaille à Chardonne. «Au début, c’étaient des porcs jusqu’à 247 kg (mon record). Puis c’est descendu. Aujourd’hui, je prends des bêtes qui font 120 kg. La période où des gens venaient trois fois par semaine manger la saucisse à rôtir, c’est fini.» Surtout, sa boucherie artisanale est encore tolérée, mais plus pour longtemps, par les services cantonaux. «C’est tout un monde qui disparaît.»

Depuis l’annonce de leur départ, les clients se pressent pour manger une dernière fois chez les Sax. Ceux-ci, dès le 1er mai, «vont enfin vivre», affirme Héléna, qui aura du temps pour sa peinture à l’huile. Thierry, lui, a prévu de monter un petit stand avec ses malakoffs et ses minikoffs qu’il installera sur les marchés. «Il n’y a que des stands étrangers, que j’aime bien. Mais un peu de terroir, ça sera bien.» 


«Un vrai bistrot vaudois»

Parmi les célébrités qui ont fréquenté l’endroit, de Jakob Hlasek à Marie Laforêt, de Julien Lepers à Werner Gunthör, Philippe Leuba est un inconditionnel. Le conseiller d’État y a fêté son élection en 2007 et y revient dès qu’il a des hôtes étrangers, «qui sont émerveillés. Je ne connais personne, sauf les amateurs de tofu, qui ait été déçu ici. C’est un vrai bistrot vaudois où on peut encore boire l’apéro à 11 h.»

Avec une mère chardonnerette, le politicien a beaucoup fréquenté le village déjà enfant, servant de prétexte pour que son oncle puisse boire l’apéro. «Thierry Sax fait une boucherie prodigieuse. La qualité de ses mets est incomparable, que ce soit la cochonnaille ou les mets au fromage. C’est un endroit d’un autre temps, convivial, authentique, qui transporte des valeurs éthiques. Il y en a de moins en moins, même s’il en reste encore. Mais imaginez Chardonne, commune viticole, sans bistrot! Ce sera une perte économique pour tout le village.» 

 

 

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